Finalement, les jours se ressemblent et il est difficile de trouver des choses pertinentes à dire pour mon quotidien. Le JT de 20h n'est plus regardé. Le thé remplace progressivement le café l'après-midi, notamment car la pénurie arrivera moins vite. Pendant que je télétravaille, d'autres créent des jeux de société. Et comme le temps le permet, un petit barbecue ne fait pas de mal.
Bref, ma vie de confiné n'est pas très intéressante, contrairement au confinement vu d'une cité HLM que je vous invite à lire.
Le gouvernement : - Allez bosser - Ne sortez pas - Sortez mais à proximité de chez vous, nan à 200m, nan le pâté de maison, nan à 1km mais 1 fois - restez seuls - allez planter des patates - confinez vous - fermez les marchés, non, si, enfin ça dépend Les Français : pic.twitter.com/CO3ZVkUwNL
Afin d'ajouter à la confusion, la Ministre de la Justice propose même une peine de prison en cas de non respect répété du confinement. Ce qui est un peu savoureux vu la chronologie des événements :
Un agenda français sous Emmanuel Macron • 7 mars: allez au théâtre • 15 mars: allez aux urnes • 22 mars: allez en prison https://t.co/OtyMsl7a6H
D'ailleurs, en parlant de chronologie, souvenons-nous du 29/02 : alors qu'un conseil des ministres exceptionnel était convoqué pour traiter de l’épidémie de coronavirus, il en est ressorti le 49.3 sur la (formidable) réforme des retraites... mais curieusement, à l'instar de 1984, le Miniver livre une autre version :
À l’entendre, le gouvernement aurait bien anticipé la crise du coronavirus. Comme on aime bien fouiller dans les archives, on a retrouvé cette interview du 4 mars ??#Quotidienpic.twitter.com/mPZ9oRqnSL
Toujours en parlant du Miniver, une déclaration magnifique qui a permis de se mettre à dos 448 500 agriculteurs (environ) et 870 900 enseignants (environ) :
Je tiens à remercier ce gouvernement qui chaque jour m'aide à échapper à l'enfermement en me mettant hors de moi. https://t.co/4hoI5KkOUA
en plein confinement, une personne multiplie des voyages inutiles, avec une foule de gardes du corps et journalistes, au lieu de bosser depuis son bureau. https://t.co/5rlW9VYaJ8
Ces deux derniers jours ont été marqués par un rêve relatif à la situation : j'étais parti acheter du pain à la boulangerie et je constatais avec effroi que je n'avais pas sur moi l'attestation de déplacement dérogatoire ; puis, ironie de l'histoire, par ma première sortie dehors depuis le début du confinement : peu de monde dans les rues, seuls les oiseaux pour venir couvrir le silence... sauf à 20h, où, nouvelle coutume importée d'Italie, les gens applaudissent aux fenêtres le personnel soignant. Bref, pas grand chose à dire de ces nouvelles journées ensoleillées de confinement pour moi.
Autant ma situation personnelle est confortable (télétravail possible comme 8 millions de français apparemment), ma compagne pouvant s'occuper de Fusionnette et Palindromette (et elle a tout mon respect pour ceci), autant celle des autres liées à ce confinement peut être difficile.
Je ne pense pas bien sûr à toutes les personnes ayant décidées de publier sur cet événement hors norme dans un cadre plus ou moins idyllique (Jean-Marc Proust, Leïla Slimani, Lou Doillon ou encore Marie Darrieussecq détenant la palme du hors-sol). Je pense plutôt aux personnes claustrophobiques, subissant des violences verbales ou physiques de la part de membre du foyer avec qui elles sont confinées... et également aux personnes incitées à aller travailler par la Ministre, ainsi que celles en première ligne qui se battent... sans rien (BFM ou L'Obs).
Lors de ses allocutions télévisées, le Président a martelé que quoi qu'il en coûte il faudrait en tirer toutes les conséquences. Même pour le Figaro, le message politique était clair : la suite du quinquennat sera peut-être social-démocrate. En décrypté : nous traversons une crise sanitaire, les hôpitaux publics étaient en crise bien avant même l'arrivée du coronavirus : il faut donc réinvestir de l'argent dans les hôpitaux publics afin qu'ils soient mieux armés face à une crise sanitaire.
Pendant ce temps, le Préfet de Police de Paris, fidèle à lui-même, continue de faire joujou, pendant que les hôpitaux en sont réduits à lancer des appels aux dons.
Une habitude nouvelle a gagné notre foyer : nous regardons désormais, en différé, le journal de 20h. Ça fait des années voire plus que ma compagne et moi ne regardions plus le JT. Et là, soudainement, pour pallier aux messages des réseaux sociaux, c'est (re)devenu aussi culte que pendant mon adolescence. Quand chantait Corona. Sic.
L'autre point important, sûrement lié aux problèmes de batterie de mon téléphone portable et à la nécessité de pouvoir y être joint par les collègues si besoin, c'est le (petit) retrait de Twitter. Les messages y sont bien trop anxiogènes. Heureusement, pas tous.
Sinon, pas grand chose à signaler : j'ai vécu ma première journée de télétravail en pyjama, ma compagne a été faire du vélo sur les quais bordelais avant qu'on apprenne aujourd'hui leur clôture (trop de personnes y effectueraient leur jogging). Fusionnette cuisine un gâteau presque tous les matins. La météo est un énorme troll : il recommence à faire beau pile quand les gens doivent se confiner.
Un camion est venu nous livrer des légumes, le livreur possédant des gants mais pas de masque.
La vie s'organise plutôt bien. Tout le monde est persuadé que le confinement va durer plus que les 15 jours annoncés et ce n'est pas pour me déplaire. J'ai pas mal de trucs à faire et c'est peut-être le bon moment pour faire une liste non exhaustive :
Bref, tout ceci devrait me permettre de tenir pas mal de temps (sans trop besoin de connexion internet qui plus est). Je pense même que je n'arriverai pas à tout faire, entre le télétravail, Fusionnette et Palindromette, confinement ou pas, le temps passe finalement très très vite !
Tout est allé vite, si vite. Qu'on ne saurait presque plus par où commencer. La chronologie, dans ce cas, est une alliée précieuse.
1925 : le brasseur Cervecería Modelo S.A. créé la bière Corona.
1993 : un groupe d'eurodance fait un carton avec The rythm of the night.
Années 2002-2003 : Ben écrit un article pour Fusion où il raconte la vie du Pangolin. Cet animal m'était inconnu et je dois avouer qu'il est très bien mis en valeur dans cet article extrêmement rare, voire introuvable de nos jours.
Décembre 2019 : une nouvelle maladie apparaît à Wuhan, en Chine. Autant dire l'autre bout du monde. On s'en fout un peu. Pourtant, son nom coronavirus aurait dû nous alerter : corona parce qu'il porte une couronne, comme les rois...
23/01/2020 : mise en quarantaine de la ville de Wuhan.
24/01/2020 : premier cas signalé à Bordeaux. Fusionnette se plaint de l'oreille, on suspecte une otite. Le 15 nous enjoigne à aller dans les locaux de SOS Médecins, précisément là où le cas bordelais a été détecté. Nous refusons. Spoiler : on a pu la soigner avec des restes de gouttes provenant d'une ancienne otite.
Février 2020 : les informations sont assez contradictoires. Certains parlent d'une grippe finalement peu létale, d'autres d'une épidémie d'une ampleur qu'il faut à tout prix contraindre. J'avoue pencher pour la première hypothèse. Le virus en tout cas semble bien loin de la France (100 cas pour 2 décès le 29/02/2020, big up mkmail). Et puis, février, c'est le moment calme avec la bulle autour de Palindromette.
09/03/2020 : je reprends le travail. Des affichettes un peu partout sont collées pour rappeler de se laver les mains et de ne pas se serrer la main ou faire la bise. J'effectue sans grand soucis mes courses malgré des rumeurs de rayons vides pour les pâtes, le riz ou le PQ.
10/03/2020 : l'Italie entre en confinement complet. Les analystes pensent que l'Italie a une semaine d'avance sur la France.
11/03/2020 : la situation devient un peu plus tendue : l'OMS requalifie l'épidémie en pandémie. Le Président de la République doit faire une annonce le lendemain à 20h. Le match PSG-Dortmund se déroule à huis clos : 4000 personnes se sont massées devant le stade (autorisation préfectorale alors que les rassemblements de plus de 1000 personnes sont interdites).
12/03/2020 : la fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées et universités est annoncée avec effet au lundi 16/03. Les personnes pouvant télétravailler doivent le faire. Les élections municipales du 15/03 sont maintenues. Ce qui jette un peu le trouble : "si on peut aller voter, c'est que c'est pas si grave" se dit une partie de la population.
13/03/2020 : j'obtiens la permission de télétravailler. Techniquement c'est faisable (je travaille à distance) mais en tant que prestataire d'une boite de prestation, je n'y ai théoriquement pas droit. Les réunions de plus de 100 personnes sont interdites. J'en profite pour aller faire un tour à la bibliothèque municipale pendant la pause déjeuner. Les compétitions sportives sont annulées/reportées les unes après les autres.
14/03/2020 : fermeture de la bibliothèque municipale, des piscines, salles de concert (merde, mon concert de Dionysos)... A 20h intervient l'annonce de la fermeture des bars, restaurants, discothèques, effective le jour-même à minuit.
15/03/2020 : il fait beau pour la première fois depuis des lustres. On va voter. On part se promener dans un bois afin de se tenir éloignés de la foule et de pouvoir aérer les petites. Ambiance un peu tendue, personne ne porte de quoi se protéger (évidemment, puisque le personnel soignant en première ligne n'a pas non plus de masque en quantité suffisante). La supérette à côté n'a plus de pâtes, riz, essuie-tout, PQ, farine.
16/03/2020 : le Président doit effectuer une annonce. Tout le monde s'attend à un confinement à l'italienne. Les rumeurs les plus folles circulent, c'est très anxiogène d'ouvrir Twitter. On parle de 45 jours minimum. Énormément de parisiens qui la veille se pressaient profiter du soleil fuient Paris, générant 170km de bouchons. Finalement, à 20h, le Président annonce (sans jamais prononcer le mot) le confinement de la population pour 15 jours minimum, à partir du lendemain midi.
17/03/2020 : l'exode parisien continue. L'Île-de-France est une région extrêmement touchée. Cet afflux massif risque fort de propager le virus là où le confinement sera effectué.
C'est également le premier jour de confinement. Ca ressemble à un congé paternité sans visites mais avec en plus du télétravail. Je n'ai pas à me plaindre, on a pu faire quelques provisions (sans non plus dévaliser les rayons comme des cons), j'ai Zelda à finir, des BDs à lire, des êtres aimés et aimantes autour de moi.
Je pressens toutefois que la période à venir sera incertaine. On vit actuellement le premier chapitre d'un roman post-apocalyptique. Je vais reprendre plus assidûment l'écriture de ce blog pour livrer plus ou moins à chaud une trace de ce moment qui restera dans l'histoire. Si certains arrivent déjà à se projeter sur l'après, j'en suis bien incapable actuellement.