03/04/14
18:27 D'Internet au minitel ou l'innovation contre le monopole ou pourquoi internet c'était mieux avant
Au commencement étaient des chercheurs qui devaient se partager des données. Ils créèrent ARPANET et virent que cela était bon. Puis ils créèrent l'email et virent que cela était bon. Puis ils créèrent le transfert de fichiers et virent que cela était bon. Puis ils créèrent le web et virent que cela était bon.
Puis s'appuyant sur ce qui était devenu Internet (attention, Internet n'est pas QUE le web), le moteur de recherche fut créé et l'on vit que cela était bon. Bien meilleur que de chercher dans un annuaire de sites. Par contre, ce qui fut moins bon, c'est de laisser se concentrer cet accès aux ressources d'internet dans les mains d'une seule entité, toute don't be evil qu'elle soit.
De même, Napster fut créé et l'on vit que cela était bon. Sauf l'industrie musicale. Qui afin de contrer Napster se dit, du haut de sa toute puissance et son arrogance : je vais le faire fermer et on en parlera plus. Hélas, les internautes avaient déjà eu le temps de voir que cela était bon. Que les échanges pairs à pairs étaient bons. La petite histoire retiendra que l'industrie musicale ne chercha pas à se réinventer, à bénéficier de ce nouveau support. Changer un modèle économique, c'est beaucoup plus compliqué que de chercher à innover, fusse-t-il pour le bien commun. Du coup, les gens se sont habitués à aller chercher par leurs propres moyens quelque chose qui n'existait pas en offre légale. Et maintenant, pour faire payer quelque chose à quelqu'un qu'il obtient gratuitement (voire en mieux, car DRM-free...), ben bon courage à l'industrie du disque.
De même, le divx fut inventé pour compresser les vidéos. Et l'on vit que cela était bon. Sauf l'industrie cinématographique. Ceci dit, la problématique ne fut pas la même que pour l'industrie musicale : voir un film au cinéma reste une expérience différente de voir un film chez soi. Et l'industrie propose divers évènements à tarif réduit pour inciter à la consommation : le printemps du cinéma, la fête du cinéma... Vous imaginez une fête de la musique avec des CDs à prix très réduits uniquement ce jour-là ? L'industrie musicale non plus, apparemment.
Ceci étant, lorsque Netflix tenta de s'implanter en France, les entreprises de l'audiovisuel français en appelèrent au gouvernement afin de les aider à conserver leur monopole. Résultat, Netflix s'implanta au Luxembourg...
De même, afin de palier à certains désavantages des taxis les VTC furent créés. Et l'on vit que cela était bon. Sauf les taxis. Qui en appelèrent au gouvernement afin de les aider à conserver leur monopole. Changer un modèle économique, c'est beaucoup plus compliqué que de chercher à innover, fusse-t-il pour le bien commun.
De même, les blogs furent créés et l'on vit que cela était bon. Sauf les gens qui avaient le monopole de la parole publique, qui du coup prirent très mal le fait que n'importe qui puisse exprimer sa pensée. En résultat un grand nombre d'Internet bullshit (recensés avec passion pendant un temps par Ecrans.fr). Et la nécessité de civiliser (sic) ce nouveau monde. D'où des lois liberticides brandies pour lutter contre le terrorisme et (argument ultime et inopposable) la pédopornographie. Sérieusement, vous avez déjà vu un site pédopornographique vous ? Moi jamais. Mais apparemment les législateurs oui. Enfin, nous parlons de gens dont le plus grand changement technologique aura été le passage de la télévision noir et blanc à la télévision couleur... Quoiqu'il en soit, ceci a justifié des écoutes généralisées (NSA, Amesys...).
De même, le flux rss fut créé et l'on vit que cela était bon. Agréger ses sites fréquemment consultés pour être automatiquement informé des nouveautés, c'était vraiment bien. Sauf pour Google. Alors Google Reader ferma.
De même, les réseaux sociaux furent créés et l'on crut que cela était bon. Sauf que non. Prenons l'exemple du plus important d'entre eux, Facebook (dont l'objection initial était de pécho des meufs, ne l'oublions pas). Facebook concentre toutes les données déposées et en devient le propriétaire. Pire, il peut décider de ce qu'il faut censurer ou pas. Et son API, plutôt que d'ouvrir Facebook au monde, permet l'inverse : amener le monde dans Facebook. Le problème, c'est que maintenant, pour la plupart des gens, internet = le web, le web = Google pour faire une recherche et le web = Facebook pour tout le reste. D'ailleurs, pour s'assurer une certaine visibilité, même lorsqu'on ne publie pas l'intégralité de l'article sur les réseaux sociaux, il faut au moins publier un lien (ce que je fais sur Twitter et Google + : la moitié de mes visiteurs proviennent de ces biais-là (bienvenue à vous)). Heureusement, il existe une poignée de rebelles qui prônent la bonne parole : des données à soi, chez soi.
Le problème lié à cette concentration des services, à ce monopole de quelques-uns, c'est que le réseau peut être congestionné. Et pour résoudre ce problème, plutôt que d'utiliser ce pour quoi Internet est prévu (le pair à pair, cela est bon), on entre dans des guerres dont l'internaute est perdant.
Internet est devenu un minitel.
Avant de conclure définitivement qu'Internet c'était donc bel et bien mieux avant, deux vidéos, la première déjà postée ici et la seconde de Benjamin Bayart faisant un parallèle très intéressant avec les moines copistes, Gutenberg et l'Invention du 15ème siècle.
Ne reste plus qu'à espérer que l'Invention du 20ème siècle connaisse le même sort favorable. Hélas ça semble plutôt mal parti...
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