04/04/13
19:29 Cooking out
En ces temps troublés où la morale, la bienséance et plus globalement la société nous oppriment, se moque plus ou moins ouvertement de nous, nous dévalue, il est temps que je pousse un cri. Il est temps de se rebeller, de se révolter. De montrer qu'on existe, qu'on est nombreux afin de ne plus subir les sarcasmes.
Car comme tu l'as remarqué lecteur, je dis nous dans la première phrase. Je suis l'un d'entre eux. Ne faisons pas durer plus longtemps le suspense et crachons le morceau : je n'aime pas cuisiner.
Bref historique
Dans mes plus vieux souvenirs, il n'existait qu'une seule émission culinaire : La cuisine des mousquetaires. Commencée en 1983, elle a marqué les esprits, en tout cas le mien. Probablement parce qu'on pouvait parfois la confondre avec une émission comique. Il ne reste que je n'ai aucun autre souvenir d'émission culinaire, Bon appétit bien sûr excepté. Jusqu'à la déferlante actuelle.
Etant étudiant au moment où tout a basculé, je n'ai rien vu venir. Je me souviens avoir souri lorsque j'ai appris le lancement de Cuisine TV en 2001, tout comme l'existence de chaines comme Astrocenter TV (astrologie, voyance, cartomancie...), Stylia (La télé toujours branchée : art de vivre, luxe et nouvelles tendances) ou encore Equidia Life (Tout le monde du cheval) peut me faire sourire. Je n'ai pas non plus vu venir le phénomène outre-manche où dès 1998 Jamie Oliver puis Gordon Ramsay à partir de 2004 cartonnaient.
Et en France ? Le porte-étendard se prénomme Cyril Lignac. C'est grâce à Oui Chef ! en 2004 qu'il se fait connaitre comme étant un jeune chef ayant besoin de jeunes apprentis pour ouvrir un restaurant. L'opération est un succès médiatique et marketing. Il continue sur sa lancée en 2006 avec Chef, la recette ! puis ne quittera jamais vraiment les plateaux télévisés : Vive la cantine !, Le Chef contre-attaque, M.I.A.M : Mon Invitation À Manger sans oublier évidemment Top Chef depuis 2010.
Le virage, là où j'ai vraiment commencé à réaliser l'ampleur du phénomène, ce fut en 2008 avec l'arrivée sur les petits écrans français d'Un dîner presque parfait. Car la version originale vient une nouvelle fois d'outre-manche avec Come Dine With Me (2005). Depuis, les émissions se multiplient en France comme des petits pains : Top Chef (2010), Master Chef (2010), Cauchemar en cuisine (2011), Le meilleur pâtissier (2012)... Venant s'ajouter aux émissions moins orientées télé-réalité telles que Les Escapades de Petitrenaud ou encore Fourchette & Sac à Dos.
On frôle l'indigestion, chose qui n'a pas échappé à South Park qui en a fait un excellent épisode : Crème fraîche (ok, voici un lien VO et un lien VF (clique sur le premier lien lecteur anglophone, c'est vraiment mieux)).
Un acte courageux
Alors il serait aisé de penser que seule la télévision est touchée. Qu'il est facile pour moi de dire revendiquer mon non-amour pour la cuisine.
Mais Internet est également concerné. D'ailleurs, connaissez-vous le point commun entre Joëlle, Audrey et Anne ? Elles appartiennent à la mafia bordelaise des blogs culinaires. Car oui, je vis au pays du blog culinaire.
Et aucun échappatoire du côté de mon entourage proche. Il aime la cuisine. Et n'hésite pas à le clamer sur la toile.
Evidemment, vu le contexte ambiant, mes amis cuisinent. Et aiment ça. Du coup, ils se sont dit que pour mon anniversaire, hop, ils allaient m'offrir un cours de cuisine à L'atelier des chefs. Je les soupçonne d'espérer un déclic et une invitation ultérieure. Mais voyons plutôt comment cette expérience s'est déroulée.
Une expérience pour s'en sortir
Commençons par les photos.
Là, vous avez tout de suite compris que le menu était :
Pain perdu au saumon fumé et crème légère au raifort
Parmentier de confit de canard cuit au vin rouge
Ananas rôti aux épices
Il faut savoir que ces photos représentent le résultat du cours effectués par mes comparses et moi-même et non uniquement les miens. D'ailleurs un petit mot sur mes comparses : énormément de couples, pratiquement tous là parce que... on leur avait offert un cours en cadeau. La plupart aimaient cuisiner. D'autres étaient un peu plus comme moi et se demandaient ce qu'ils foutaient là, je cite : "il fallait que je prenne un cours, la cadeau allait être périmé...".
Alors, ce cours de cuisine, qu'en ai-je retenu ?
D'abord, première chose, c'était bon. Oui, vraiment.
Par contre, ce n'est absolument pas simple de le refaire. A cause des accessoires déjà : avec quoi faire du caramel sans devoir jeter l'ustensile de cuisine après ? Je n'ai que deux plaques électriques... A quoi pourraient bien me servir des cercles en inox au quotidien ? Mais aussi à cause des ingrédients (navet long, vinaigre balsamique blanc, capsule de cardamome verte, étoile de badiane...) qui ne seraient utiles dans ma cuisine que pour ces plats. Au delà de la difficulté pour les trouver, comment faire pour ne pas avoir de pertes ? Prévoir de manger la même chose tant qu'il y en a dans ma cuisine ?
D'ailleurs puisque je parlais de vinaigre, avez-vous déjà constaté à quel point il est devenu compliqué d'acheter du vinaigre tel que l'illustre la photo suivante ? On marche sur la tête...
Et puis parce que... Ben tout simplement parce que cuisiner, c'est éplucher des légumes, les couper en morceaux, les tailler... C'est risquer la mutilation à chaque moment avec un couteau affûté. Avez-vous déjà vu des mains de cuisiniers ? Elles sont calleuses, il y a des marques d'entailles sur les phalanges, les ongles. Non, ce ne sont pas de belles mains. Je me connais, je sais que je ne suis pas adroit. Je manque déjà de me couper en me servant du fromage, je ne vois pas l'intérêt de risquer la perte d'un doigt pour dire "c'est moi qui l'ait fait". Vous avez déjà coupé un oignon ? C'est chiant. Alors moi, quand on me propose des légumes surgelés découpés, des oignons en tranches, des patates en cube... ben j'hésite pas, j'achète. J'achète le droit de pas me faire chier.
Parce que la cuisine, c'est avant tout chiant.
Il ne faut pas confondre
Alors oui, je vous vois. Vous avez vu les infos. Vous avez su pour les lasagnes à la viande de cheval, les kebabs avec du porc dedans, les merguez au mouton anglais... Vous vous gaussez. Vous pensez "encore un qui aime manger de la merde. C'est pourtant pas compliqué de se faire plaisir sans manger surgelés". Vous n'êtes pas seuls à le penser. Vous êtes la majorité. Parce que vous cuisinez.
Sauf que.
Ce n'est pas parce qu'on aime pas cuisiner qu'on aime manger de la merde. Ce n'est pas parce qu'on ne prend pas son pied à se lever à 8h un samedi matin pour aller au marché qu'on ne peut pas prendre un beau steak haché chez le boucher. Il est amusant d'ailleurs de constater comme le champ lexical de la beauté varie selon le corps de métier : chez le boucher, une belle bavette sera grosse ; chez le commercial, un joli projet pour un beau client signifie qu'il y a un max de thunes à se faire.
Ce n'est pas parce qu'on aime pas se faire chier et qu'on cuisine basiquement (pâtes, croque-monsieur, crêpes, quiches) qu'on est condamné à manger de la merde. Ce n'est pas parce qu'on ne joue pas aux alchimistes gustatifs que l'on est prêt à manger au fast food en permanence.
Je n'aime pas cuisiner. Je n'ai plus honte de le dire. Et vous ?
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